INCERTAINS REGARDS

Section Théâtre Aix-Marseille Université


Les Culs-Terreux | Franck Dimech

lundi 18 janvier 2016


Représentations au Théâtre Antoine-Vitez du 19 au 23 avril.


— Dates des représentations
— Présentation du projet
— Distribution
— Paroles du metteur en scène
— Présentation du metteur en scène, Franck Dimech
— Paroles d’étudiants
— Enregistrement d’un entretien pour la radio Zinzine
— Extraits
— Textes à l’appui


LES REPRÉSENTATIONS


Représentations au Théâtre Vitez :
— Mardi 19 avril à 20h30
— Mercredi 20 avril à 19h00
— Jeudi 21 avril à 19h00
— Vendredi 22 avril à 20h30
— Samedi 23 avril à 20h30

Réservation en ligne accessible sur la page du théâtre Antoine Vitez.


LE PROJET


Pierre Guyotat, évoque son "Arrière-fond", sorte de jardin secret ou complotent les personnages en gestation de sa future mythologie. Chacun à l’endroit de son désir - acteur, plasticien, scénographe, éclairagiste, photographe ou autre, doit, après avoir donné un sens subjectif au mot "Arrière-fond", en déterrer quelque chose - un fragment, une mémoire, un épisode, un son, un chant, un texte ou autre chose- et en rendre compte à travers une forme de trois minutes maximum, à partir du médium et des moyens de son choix.

Il s’agira d’explorer la notion d’oralité rurale et de travailler à son énonciation.
Ce projet propose à vingt étudiants en théâtre, assignés à toutes les tâches requises, de fabriquer, en trois semaines, un « objet de langue ».

Langue-chaos, langue-rhizome, langue-remugle.

Lieux de l’enfance.

Noms de lieux dits, d’arbres, d’outils agricoles. Patois des campagnes glauques, plongées en apnée dans les racines du verbe. Trognes ahurissantes qui célèbrent en meute des rites païens mués par des langues extraordinaires, des langues en « devenir-animal ». Chez Genka, Guyotat et Reverchon, par le récit, par la fable, la poésie ou le théâtre, il s’agit de faire rendre gorge à la langue maternelle, le français, afin d’en extraire sa matière fécale, ses sécrétions, ses humeurs, ses jus.

Être responsable de ce que l’on veut énoncer dans le monde et forger sa langue pour le dire sont les enjeux de ce travail. Aussi, tous les étudiants concernés par ce projet participeront à l’élaboration de la partition textuelle du spectacle, à partir d’un corpus de textes que je leur livrerai.

[/Franck Dimech/]


LA DISTRIBUTION


— Mise en scène : Franck DIMECH – Théâtre de Ajmer (Marseille)

— Dramaturgie de Eric SHAEFLIN

Avec les étudiants du Secteur théâtre de l’Université d’Aix-Marseille :
Judith BALAGAYRIE, Laura BLANC, Vanina CAIRE, Thelma CAILLET, Manon CHAUVE, Adrien D’AMBROSIO, Laurent DIMARINO, Tommy FUCITO, Laurent GALAMPOIX, Mélisande GOUX, Thomas GROSSO, Faustine GUEGAN, Lise ICARD, Chloé LEROY, Coraline LEROY, Lucie LONGUEVILLE, Sara PIGNATEL, Marius RAMBAUD, Flora TONELLI, Claire VISCOGLIOSI.

Avec des textes issus de
— Arrière-fond de Pierre Guyotat,
— L’Epi Monstre de Nicolas Genka,
— La Marche Meuble de Maxime Reverchon,
— La Maman et la Putain de Jean Eustache
— et les textes des étudiants participants


PAROLES DU METTEUR EN SCÈNE


Comment travailler ensemble, ici, en 2016, dans un cadre universitaire ? Comment aborder la violence d’un monde sans merci ? Comment, aussi, parfois, éclairer ses beautés et ses douceurs ? Comment prendre position, en tant que jeune personne dans ce chaos au bouleversement constant ? Comment, après tout, lutter, parler, lire et écrire ce que nous sommes, et ce que nous voulons être ?

« Il n’est pas question ici que les acteurs, se (re)présentent comme des paysans, qu’ils ne sont pas de toute évidence. Il ne s’agit pas de mentir le milieu rural, de l’édulcorer. Il s’agit de s’emparer des notions d’oralité et de ruralité pour fabriquer du théâtre à partir de nos racines, de nos langues secrètes, de nos désirs de poésie, de notre détermination à créer quelque chose de fugace ensemble, dans l’engagement le plus intense et le plus pauvre aussi. On ne s’engage pas sur la scène des hommes au titre de soi-même, mais au nom de tous les autres.

Nous voulons créer une communauté éphémère qui pense et repense le monde. Dans ce collectif éphémère, il nous faudra transformer en force nos contraintes, faire en sorte que l’urgence devienne le moteur de notre création. De toute façon, personne n’attend personne : la fac n’est pas l’endroit de la formation à un métier, sauf peut-être à devenir professeur : la fac est l’endroit primordial de la prise de conscience, le camp retranché où l’on forge ses armes. Le monde social qui s’ouvre aux étudiants du cursus théâtre est bouché et pourri. Ils doivent l’apprendre. Pas pour dépérir ou aller dépenser tout l’argent de leur parent chez un psychanalyste, mais pour entrer en guerre. Tout le monde n’est pas Achille flamboyant au milieu de Troie détruite, il y aura des morts. Et comme dans toute hécatombe, quelques survivants. Intervenir dans le cadre d’une production universitaire ne signifie en rien former des gens aux techniques de l’acteur. L’enjeu de mon intervention est de transmettre des outils pour penser le monde qui nous échoit, et placer chacun de ceux qui ont la responsabilité de fabriquer cet objet face à la réalité merdique qui leur pend au nez : « Qu’ils crèvent les artistes ou qu’ils transforment la merde en or. »

Le travail a pris une mesure toute particulière, puisque lors d’un atelier d’écriture entre les étudiants, des choses sont ressorties. Que faire de cette matière ? Quels retours sur cette première semaine de travail ?

« Je suis sidéré, à la fois par les carences des formations d’acteurs pré-universitaires, et par le manque de curiosité fondamentale de certains quant à la littérature, à la poésie, à l’art, et plus généralement à l’altérité. Alors, c’est comme si le travail consistait, une fois encore, à apprendre à désapprendre : apprendre à perdre, c’est l’enjeu. Nous transformer.


LE METTEUR EN SCÈNE : FRANCK DIMECH


De 1992 à 2000, il dirige la compagnie Les foules du dedans et travaille autour des œuvres de Bernard Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce, Hervé Guibert, Edward Bond, August Strinberg et Anton Tchekov.

En 2002, il fonde la compagnie Le théâtre de Ajmer et se consacre exclusivement à la mise en scène de texte dont le triptyque Variations sur l’Amour : une trilogie de la langue composé de L’Échange de Paul Claudel, Quartett de Heiner Müller et Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck.

Lauréat d’une bourse AFAA « Villa Médicis Hors les Murs », il développe des liens en République Populaire de Chine, à Taïwan et au Japon. Il réalise, en 2007, au Théâtre de la Criée, la première mise en scène française de la pièce Gens de Séoul 1919, de Hirata Oriza.

Depuis 2009, il se consacre à la mise en scène de textes du répertoire européen montés en langues étrangères, notamment L’Échange de Paul Claudel à Tokyo (2009), Jumel de Fabrice Dupuy à Taiwan (2010) et Woyzeck de Georg Büchner, spectacle créé à Taïwan.

En 2012, il est invité par le Conservatoire National de Taïwan à enseigner et mettre en scène le spectacle Preparadise Sorry Now de Fassbinder.

Il a récemment mis en scène une version française de Woyzeck de Georg Büchner avec les étudiants de théâtre de l’Université d’Aix-Marseille.


PAROLES D’ÉTUDIANTS


Se retrouver en tant que comédienne au sein d’un projet tel que les Culs-Terreux, est une expérience unique, originale et enrichissante. Elle encourage le dépassement de soi, un approfondissement de sa relation propre au plateau.

[/Laura Blanc, actrice sur le projet/]

Les productions universitaires sont une opportunité d’être plus actif et engagé. Elles sont l’occasion de faire la rencontre des personnes que nous croisons durant l’année. Pour Les culs-terreux, cette sorte d’impatience se transforme petit à petit en curiosité timide. Je m’explique : les textes choisis sont pour le moins étranges, ce ne sont pas des choses que nous aurions pu lire si quelqu’un ne nous les avait pas faites découvrir. Cette curiosité se développe, nous sommes totalement intrigués par le contenu du récit et la motivation de l’auteur à écrire ces mots. La timidité apparaît lorsque les textes prennent le dessus à travers la direction d’acteur. Nous tentons de mettre à profit ce que nous sommes, ce que nous avons en nous : individuellement.

[/Thelma Caillet, actrice sur le projet/]

Cette production extériorise mon intériorité, je me dévoile au monde tout en me découvrant moi-même.

[/Laurent Dimarino, acteur sur le projet/]

Le processus de ce travail repose sur la question de nos origines liées au monde agricole. Souvent éloignées ou reniées elles participent de ce que nous sommes. Le texte, aliment premier de cette création, articule l’univers poétique mis en recherche par chacun. Le décor essaye de répondre au texte afin d’être avec lui en osmose. Le travail sur un projet universitaire doit mettre en écoute chaque endroit de travail : texte, jeu d’acteur, scénographie... Ce travail est dicté par diverses contraintes qui s’avèrent être un bon moteur de la création, et source d’apprentissage.

[/ Flora Tonelli, scénographe sur le projet/]


ENTRETIEN RADIO DES ACTEURS POUR ZINZINE


Entretien de Lise Icard et Laurent Dimarino, étudiants en DEUST, pour la radio zinzine du 13 avril 2016 autour de la pièce.


Lili à la radio



EXTRAITS



TEXTES À L’APPUI


Extrait de Nicolas Genka : l’œuvre de la honte ?, par Romain Giordan

De Nicolas Genka (1937-2009), il semble rester peu de choses, si ce n’est cette honte littéraire qui brisa, à l’âge de 24 ans, sa carrière d’écrivain. En décembre 1961, Genka publia chez Julliard un premier roman, au titre programmatique, L’Epi monstre, dans lequel amour incestueux et triolisme familial se nouent dans une campagne glauque, sur fond de beuveries et d’injures. De ce texte gravement poétique, la violence semble sourdre de toutes parts. Dès sa parution, l’ouvrage fut parrainé par de nombreux écrivains : Jouhandeau, Pasolini, Nabokov, Aragon, Cocteau et Mishima. Mais le succès littéraire fut de courte durée. En juillet 1962, le ministère de l’intérieur, qui juge l’œuvre pornographique, interdit par arrêté sa vente aux mineurs ainsi que tout affichage, publicité et traduction. Ce qui revint, en la privant de toute visibilité, à la faire disparaître. En 1999, L’Epi monstre était ré-édité par la maison Exils qui ne fut pas inquiétés et Genka put assurer une promotion à grande échelle. On avait enfin débarrassé l’œuvre de son surplus médiatique pour ne garder que l’essentiel : sa puissance stylistique et son savoir-faire romanesque.

Mots et monde de Pierre Guyotat, par Michel Surya

[…] Il n’y a rien que Guyotat écrive ou qu’il montre qui ne soit réel, qui ne le soit exactement, et qui n’oblige à mesurer le réel à ce qu’il écrit et montre.[…] la littérature, dit-il en substance, quoi qu’elle seule puisse décrire ce qui terrifie, quoi qu’elle seule décrive ce qui est fait pour être fui, elle ne le décrit pas du point de vue de l’injonction (morale, par exemple), ce qu’on imagine que la pensée serait prête à lui concéder, elle le décrit du point de vue de la logique. Du point de vue de la logique, c’est-à-dire du point de vue de la pensée. La logique, que la pensée est impuissante à déployer pour penser ce qui est, c’est la littérature qui la déploie. […] C’est une œuvre de la pensée, que la pensée régit, qu’elle anime et meut, en tout et en détail. […] C’est un monde de la pensée d’autant plus que celui-ci se donne comme un monde de l’imagination. […] C’est parce que c’est dans l’imagination que la logique s’est réfugiée. Et, parce qu’il s’agit d’une « leçon », il fallait que cette œuvre se donnât des règles nombreuses et strictes. Des règles qu’on ne connaîtra pas pour la plupart ; dont on saura seulement ceci qui est aussi leur règle : « […] tout acte en provoque un autre, ne peut pas provoquer d’autre acte que celui qu’il provoque ; on n’introduit pas n’importe comment une couleur, ici ; les pas laissent des traces ; le son indique la présence d’un individu, animal ou humain, ou autre. Il n’y a rien de gratuit, comme on dit, pas de fantaisie, vraiment pas de fantaisie. C’est peut-être en cela que la monstruosité existe dans ce que je fais. » Des règles si nombreuses […] qu’il n’est pas un instant envisageable de les transgresser sans sortir par le coup de l’œuvre elle-même et des représentations qu’elle consacre. […]