Les Suppliantes d’Euripide | Cyril Cotinaut
vendredi 13 septembre 2024
Création universitaire mise en scène par Cyril Cotinaut
— information pratiques
— présentation du projet
— la presse en parle
— Images du spectacle
— Le metteur en scène
— le projet universitaire
— Quand : Mardi 8 mai à 20h30 ; Mercredi 9 mai à 19h00 ; Jeudi 10 mai à 19h00 ; Vendredi 11 mai à 14h30 ; Samedi 12 mai à 20h30
— Où : : Théâtre Antoine-Vitez, Aix-en-Provence
Une proposition de la formation Arts du spectacle d’Aix-Marseille Université
Réservation sur le site du Théâtre Antoine-Vitez
Dans Les Suppliantes, un chœur de femmes vient demander de l’aide à Athènes afin que la Cité et son roi, Thésée, interviennent dans un conflit étranger (l’échec de la tentative des Sept chefs étrangers dirigés par Polynice pour reprendre possession de la ville de Thèbes) et ce dans le but de récupérer les dépouilles des assaillants vaincus. Si les discours de Thésée soulèvent une ambiguïté quant à l’hégémonie athénienne, sa toute-puissance sur le monde, sa position d’arbitre dans les conflits étrangers, et la possibilité donc de la dénoncer théâtralement, ce chœur de suppliantes n’est pas sans rappeler la réalité douloureuse de ces migrants qui tentent d’échapper aux affres de la guerre et réclament un secours auprès de nos démocraties occidentales… On qualifie généralement Les Suppliantes de « pièce patriotique à la gloire d’Athènes ». Héroïsme, courage, grands idéaux sont exhalés à longueur de monologues et louent la suprématie athénienne.
Cela pose la question du premier ou du second degré de l’œuvre. On pense par exemple aux débats autour de certains films de Clint Eastwood : la fin d’American Sniper est-elle un éloge de l’Amérique ou au contraire une dénonciation subtile de l’hégémonie américaine ? La profonde ambiguïté ne peut être éclaircie que par le réalisateur lui-même. Ou peut-être faut il accepter une non-prise de position qui laisse à chacun la liberté d’en penser ce qu’il en veut. Ce qui peut être autant inspirant qu’énervant !
« Vieux de deux millénaires, souvent considéré comme la plus faible des pièces d’Euripide, ce texte et son rapport avec certaines de nos problématiques actuelles me semble être pourtant un matériau d’études prometteur. Et d’études, il en sera question car c’est avec la méthode russe dite de l’Étude, qui privilégie l’improvisation comme moyen d’analyser et mettre en scène le texte théâtral, que je propose – si le temps le permet – de diriger ce travail. Il y sera évidemment aussi question d’Action Verbale (ou comment la parole est un acte, une construction du monde par la rhétorique), d’Action Physique (avec un travail choral sur le chœur des femmes), de Brecht (où la fable est un prétexte à démontrer des mécanismes et créer une prise de conscience politique, où le jeu s’inscrit dans un rapport ouvert aux spectateurs afin de le mettre dans la réflexion et où enfin l’image-scénographique, des corps, des objets – offre la possibilité métaphorique d’une passerelle de sens avec nos enjeux contemporains). »
C. C.
— Article dans Zibeline, par MARYVONNE COLOMBANI
Les Suppliantes d’Euripide interrogent le monde contemporain
Le théâtre dans la cité
Une seule représentation cette année, déplacée au cœur de la Cité du Livre, pour la création universitaire des étudiants du secteur théâtre d’AMU, en raison du blocage de la faculté. Et pourtant, cette pièce aurait aussi été bienvenue dans les discussions du campus, tant les réflexions qu’elle porte sont susceptibles de nourrir une réflexion féconde sur les divers types d’organisation politique de l’état, la démocratie, la relation aux autres, l’art de gouverner, les enjeux internationaux, les nécessités ou non d’ingérence, l’accueil des populations en détresse…
Le thème de l’œuvre d’Euripide est emprunté au cycle Thébain. L’action se situe après la guerre fratricide des fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice. Ce dernier avait mené une guerre contre sa propre cité, (Les Sept contre Thèbes), pour s’emparer d’un pouvoir auquel il avait droit, chaque frère devant exercer le pouvoir royal en alternance, d’une année sur l’autre. La reine Aethra, épouse d’Égée et mère de Thésée reçoit les femmes éplorées d’Argos, qui réclament pour leurs fils morts au combat la sépulture que Thèbes leur refuse. Elle en réfère à son fils, roi d’Athènes, qui dans un premier temps se refuse à soutenir une telle requête, Adraste, roi d’Argos a été irréfléchi, déjà en prenant à la lettre un oracle delphique lui enjoignant de marier ses filles à un « sanglier et à un lion » et les livrant à deux jeunes gens « assoiffés de combats », puis en suivant les avis de ces deux exaltés pour engager une guerre soldée par un cuisant échec. Thésée se laissera convaincre par sa mère, son appel à la piété, suivant les trois commandements de la morale grecque antique, « honorer les dieux, respecter les hôtes et vénérer ses parents ».
L’intérêt de la pièce réside surtout dans les débats qui abordent les thèmes de l’ingérence, de l’accueil, des principes des rouages politiques, en une argumentation fine et structurée. Le metteur en scène Cyril Cotinaut, associé cette année à l’AMU, propose une traduction nouvelle, plus actuelle, sans doute moins académique, mais qui rend le texte accessible à tous les publics, en en conservant la puissance, coupant les scènes les plus longues, l’intervention de la déesse Athéna, le retour des urnes funéraires (…). En revanche, il « dédouble » le personnage de Thésée en créant un nouveau personnage, qui prend en charge les aphorismes et généralités formulées par le héros athénien, lui laissant les parties plus raisonnées. En préfiguration de Solon, Thésée est ici un fondateur de l’égalité politique, souhaitant l’adhésion à ses décisions de son peuple auquel il donne une parole libre et un suffrage égalitaire. Champion d’Athènes et de la démocratie, il vilipende les systèmes qui concentrent le pouvoir dans les mains d’un seul, faillible, et puisque sans contrôle, facilement en proie à la démesure au détriment de son peuple. Tandis que Thésée, modéré jusque dans la victoire ne mettra pas la ville de Thèbes à sac, comme la foule aurait pu le souhaiter, mais se contente de ramener les morts pour lesquels il s’est battu.
La pièce entre en résonance avec l’actualité de manière frappante, ces suppliantes au pied de l’autel sont bien proches des victimes actuelles des guerres et qui demandent secours et protection aux pays européens, les questions de l’accueil des divers systèmes politiques, des principes de la démocratie que les modernes semblent parfois oublier, sont posées, soutenues par une scénographie et une mise en scène efficace et sobre, dans un travail en épure d’une belle efficacité. Les jeunes acteurs, remarquablement en place, savent donner du sel aux passages les plus difficiles, accordent une expression vivante aux discours les plus complexes, savent amener un pathos sans mièvrerie, toucher, convaincre… dans la plus pure lignée aristotélicienne. Que la pièce soit donnée dans l’écrin de l’amphithéâtre de la Verrière prenait une signification encore plus dense, soulignant s’il en était encore besoin l’intime relation entre l’art et la cité. Le cinquième siècle avant notre ère n’a pas fini de nous donner à réfléchir !
MARYVONNE COLOMBANI
Mai 2018
Les Suppliantes d’Euripide, spectacle vu le 11 mai.
En choisissant des textes et des thèmes éprouvés par le temps et les époques, le TAC.Théâtre de Cyril Cotinaut envisage le spectacle donné à voir comme une expérience partagée collectivement par les acteurs et les spectateurs autour de conflits philosophiques, humains, politiques ou intimes. L’acteur y retrouve ainsi sa place centrale de narrateur, de conteur et d’interprète, celui par lequel le théâtre commence, l’exact égal ou alter ego du spectateur. Un théâtre d’acteur à spectateur, de personne à personne.
Le projet universitaire
Cette production universitaire est intégrée dans le cursus de formation Arts du spectacle d’Aix-Marseille Université. Pour cette production le collectif artistique est au complet : une metteure en scène, une assistante, des acteurs, deux chargés de production et de médiation, deux créateurs lumière et son, une scénographe, et une responsable costumes. Ce collectif est formé d’une vingtaine d’étudiants en formation sous la responsabilité artistique de la metteure en scène et tutoré par l’équipe du Théâtre Antoine Vitez et de celle du Théâtre Joliette qui accueille cette production.