Törless d’après Les Désarrois de l’élève Törless de Robert Musil | Anne-Claude Goustiaux et Frédéric Schulz-Richard
vendredi 13 septembre 2024
— Représentations du 15 au 18 février 2022, Théâtre de Lenche
Alors qu’il n’a pas ou à peine 25 ans, Musil écrit son premier roman. Si ce texte n’est à priori pas autobiographique, l’auteur y partage avec son personnage le trouble de la jeunesse, dont un certain nombre de questions existentielles qui succèdent à l’adolescence. Mais ce roman relate surtout le conflit intérieur de Törless, qui, interne dans un pensionnat militaire de renom, assiste à la persécution d’un élève par deux de ses camarades. La victime n’a pas fait grand-chose, elle a emprunté et volé de l’argent, et si Törless est le témoin de cette injustice, il en sera aussi le complice. Harcèlement, humiliation, sadisme, cruauté… Le tableau est glacial, l’écriture lucide, précise, presque pressée. Nous sommes en Autriche, autour des années 1900 et le nazisme gronde… Törless, dans cette école tout aussi réputée qu’elle soit, cherche des réponses que l’enseignement ne lui donne pas.
Seulement éclairé par la pensée de Törless dans sa quête de vérité, le roman de Musil est sombre. Le sujet est difficile, mais nous devrons jouer avec. Jouer, c’est-à-dire fabriquer du théâtre, et aussi nous amuser. Heureusement, il y a dans ce livre un vrai plaisir de la lecture : une action tout en tension et une intrigue qui ne nous lâchent pas. C’est d’abord sur ce suspens, sur cette urgence de l’histoire, que nous allons nous appuyer. Puis, nous nous réjouirons de la présence de la narration, jouant de l’alternance et des décalages entre monologues intérieurs, dialogues et récit, pour tenter de trouver la distance nécessaire entre le réel et la fiction. « Les désarrois de l’élève Törless » n’est pas une pièce de théâtre et c’est tant mieux, car en nous emparant de cette écriture non dédiée à la scène, nous irons questionner la représentation. Que fait-on de ce qu’on ne peut pas montrer ? Comment, quand on ne peut pas faire pour de vrai, jouer avec le faux, sans pour autant faire semblant ?