Gibiers du temps d’après Didier-Georges Gabily | Mathieu Cipriani
vendredi 13 septembre 2024
— information pratiques
— présentation du projet
— Images du spectacle
— Mise en scène : Mathieu Cipriani
— Représentations : du 2 au 6 mai au Théâtre Antoine-Vitez à Aix-en-Provence
— Assistanat à la mise en scène : Inkar Karimova, Jade Fournier (Master 1)
— Régisseuse générale : Lili Gilier
— Régisseuse : Hoëla Dorsaz
— Scénographie : Timothée Olive
— Médiation/Production/Communication : Morgane Racon
— Médiation : Jolie Van Wanrooij, Ayoub Baghbad Brahim
— Visuel : Justin Clifford Rhody
— Avec : Ayoub Baghbad Brahim, Clémentine Barry, Antonino Battaglia, Louise Bonnemaille, Mario Breut, Naré Hakboyan, Rachel Kakina, Joanne Landes, Charline Lesellier, Louane Levi, Matis Lombardi, Léna Michard, Camille Paulhe, Antoine Richard.
Présentation du projet
Ce spectacle interroge ce qu’il reste de la tragédie, du mythe et de l’amour de Phèdre dans Gibiers du temps de Didier-Georges Gabily. L’auteur affirme que dans cette histoire, les conflits du passé n’ont pas encore été réglés et que le moment est venu d’en éteindre définitivement les braises.
Selon les récits antiques, Phèdre est offerte par son frère à Thésée, roi d’Athènes. De leur union naîtra deux enfants : Acamas et Démophon. D’un précédent mariage avec une amazone, Thésée a un autre fils, Hippolyte, qui tient de sa mère la passion pour la chasse. Ce jeune héros honore Artemis et méprise Aphrodite. Celle-ci par vengeance déclenche alors, dans le cœur de Phèdre, une vive passion pour Hippolyte. Mais le jeune homme la repousse. C’est donc de ce désir inassouvi et de l’húbris de Phèdre que va découler la condamnation d’Hippolyte par Thésée libéré des enfers, condamnation qui entraînera l’inexorable mort du jeune héros.
Dans la trilogie de Gibiers du temps, l’ordre économique règne par le commerce des corps. Acamas et Démophon font désormais des affaires avec ceux « d’en bas » qui vivent d’expédients et de trafics, loin de la sphère du pouvoir, à la périphérie de nos villes. C’est là qu’habitent les nouvelles amazones nées de l’accouplement de Phèdre avec les remplaçants d’Hippolyte absent. Elles affrontent les hommes de main de « ceux d’en haut » pour se venger de l’humiliation que ces premiers leurs font subir. C’est dans ces bas-fonds, que la meute des hommes organise une battue pour offrir à Phèdre un nouveau prétendant en sacrifice. Le chasseur n’est plus Hippolyte et la proie n’est plus l’animal, mais Thésée, un gibier du temps. L’enfer qu’il vient de quitter n’a d’égal que la ville dont il est devenu un clandestin anonyme. Ses fils le donnent en offrande à leur mère et le cycle des répétitions qui enfermait Phèdre s’achève enfin.
Avec le sacrifice de Thésée, le monde ancien et le monde contemporain se donnent à voir simultanément. Le décalage entre les valeurs de la Grèce antique auquel le héros s’identifiait et la société contemporaine qu’il appréhende, la confrontation de ces deux réalités, de ces deux époques met en exergue ce qui les distingue. Le corps du texte se découpe ainsi en plusieurs plans d’énonciation qui vont de la conversation à la déclamation. Les acteurs doivent réussir à passer insensiblement de l’un à l’autre pour produire cet effet d’éloignement critique.
Sur la scène, la réhabilitation du héros tragique suppose en contre-point, la présence d’un chœur jouant « le public fictif d’un spectacle enchâssé ». Coupées du texte dramatique, les voix de ce chœur suspendent l’action pour évoquer une image passagère. À d’autres moments, en glissant sur les événements, elles font entendre une seconde parole qui reconstitue les morceaux de la fable comme le ferait un monteur de cinéma. Dans l’ombre, les voix du chœur peuplent la scène, interfèrent, commentent et fustigent. Elles chantent la mémoire des vaincus et leur deuil impossible.
Mathieu Cipriani
Images du spectacle