Peindre le silence, d’après des fragments de La Niobé d’Eschyle | Sandrine Roche

vendredi 13 septembre 2024



— information pratiques
— présentation du projet
— la metteur en scène
— Images du spectacle


— Mise en scène : Sandrine Roche
— Représentations : 2 et 3 mai 2023 Théâtre de la Criée, Marseille
— Avec les étudiantes et étudiants de la section Arts de la scène d’Aix-Marseille Université : Maëlis Adalle, Lili Benmehdi-Guerlais, Chloé Beneteau-Emond, Kendal Benaouali Chevalier, Léonie Blache, Lou Blanchard, Loup Cousteil- Prouveze, Margot Dietrich, Manon Flores, Romane Gastebois, Appoline Guy, Cécile Lagrange, Capucine Laurent, Flora Lecorre, Alizée Magnan, Méline Mouginot, Julien Odinot, Manon Pelouin, Romy Pinaz, Lou Preynat, Maeva Rodriguez, Alex Vigier
— Assistanat à la mise en scène : Samaneh Latifi, Timothé Logé
— Régisseuses : Aurélie Perrin et Mila Rousseau
— Scénographie : Sabah Guellili, Louise Miran
— Médiation / Production / Communication : Morgane Racon
— Médiation : Chloé Beneteau-Emond, Julien Odinot
— Visuel : Sandrine Roche

remerciements à Montévidéo qui a accueilli les répétitions de Peindre le Silence pendant une semaine.


Au départ, il y a la question de la tragédie, de cette langue grecque qui berce l’histoire du théâtre, et d’un imaginaire scénique, que j’ai du mal à faire mien. Je reprends des livres anciens, j’y lis quelques phrases, les reposent, tourne en rond : je n’avance pas vraiment. Un metteur en scène me dit « la vraie, tragédie c’est qu’on ne monte plus de tragédies ; c’est pour ça qu’elles ont maintenant lieu dans nos rues ». Je réfléchis et reprend les livres : Euripide, Eschyle, Sophocle, Aristophane, … ; je les tournent et retournent en espérant y trouver la solution, la porte de sortie vers un imaginaire mien, que je pourrai porter sur un plateau. C’est alors qu’apparaissent ces fragments, quelques morceaux tronqués de La Niobé d’Eschyle, une tragédie perdue qui a fait couler beaucoup d’encre depuis sa découverte. Je me plonge dans les mots comme dans un roman policier ; je remonte le temps.

Niobé, fille de Tantale, dont Leto a ordonné de tuer les 14 enfants, pour la punir de sa vanité, et qui, muette, se pétrifie devant leurs corps sans tombeau. Un corps voilé et muet pendant les ¾ de la pièce. Un ovni théâtral de l’antiquité. Il ne nous en reste que dix fragments - même pas de quoi en faire une page - qui agitent mon corps et ma pensée comme jamais. Des trous, de la roche, de la mythologie : je baigne dans mon élément.

Je ne sais pas encore ce que nous allons faire de ça. Je mène une enquête. Sur la langue, sur les volcans et leurs jets de roches brûlantes, sur les douleurs trop fortes qui se transforment en magma interne, et calcinent les êtres. Je m’interroge sur le silence, la réalité des corps et des bouches réduites au silence, qui se consument et se pétrifient. Je lis Ovide et ses Métamorphoses, je réfléchis à la métamorphose possible de ces fragments que nous laisse Eschyle. Je cherche des correspondance avec mon intime, ce qui me constitue, et ce qui m’entoure. Je me dis que plutôt que d’apporter des réponses, je vais poser ce matériau tout en questions, ouvrir l’enquête, et que nous allons en discuter, nous confronter, croiser nos imaginaires pour trouver, ensemble, ce qui se cache au milieu de ces fragments. Il nous faudra être nombreux ; il nous faudra nous agiter de la tête aux pieds - jeter nos corps dans la bataille – pour reconstituer, bout par bout, le puzzle de notre Histoire. Et ce qui est certain, c’est que ce sera joyeux.

Sandrine Roche


Feuille de salle

« Je ne souhaite pas proposer une réécriture de La Niobè d’Eschyle, puisqu’elle n’existe plus. Tout ce que nous savons– c’est qu’Eschyle a travaillé sur le silence. Son héroïne est immobile et silencieuse, au centre de la scène, pendant trois longs actes. Deux personnages se relaient pour la questionner. Il ne reste rien des deux derniers actes, que l’on imagine comme le long lamento de Niobé.

Comment traiter le silence de Niobè, dont Eschyle a fait le cœur de sa tragédie ? Je cherche dans les silences laissés par la littérature et la mythologie. Retracer l’enfance de Niobè, décortiquer les drames familiaux successifs, les amitiés bafouées, tout ce qui pourrait avoir provoqué l’acte de parole outrée, puis le mutisme. C’est dans le pou- voir des mots que je cherche une issue : quel endroit de parole peut susciter le meurtre ? Qu’est-ce que provoque la parole qui ne peut être lavé que dans la violence physique ? Niobè est présentée comme fille de, épouse de, mère de... Quelle est sa place de femme ?

Mon texte s’appuiera donc sur le masculin pour traiter du féminin, dans toute sa com- plexité. Pour répondre à ce qu’Eschyle a voulu énoncer du masculin, dans toute sa complexité, en s’appuyant sur le féminin.

Et je décide de construire la pièce en m’appuyant sur un vocabulaire de peintre, en res- pectant les fameux cinq actes de la tragédie, pour parler des deux silences de Niobé qui me semblent importants, à savoir celui qui précède le drame et celui qui le suit, dans l’avènement de la pétrification. »


La metteur en scène

Sandrine Roche est autrice, comédienne et met- teuse en scène. Elle s’installe à Bruxelles en 1998 et intègre l’école de théâtre Lassaad, à l’issue de laquelle elle devient comédienne. En 2001, le metteur en scène Barthélémy Bompard lui com- mande le texte Itinéraire sans fond(s). C’est ainsi qu’elle commence à écrire pour le théâtre. Elle cofonde en 2003 le collectif La Coopérative des Circonstances. En 2010, elle donne naissance au texte Neuf Petites Filles, Push & Pull. Elle termine en 2012 l’écriture d’Un silence idéal, deuxième volet de la trilogie Ma langue ! S’ensuivent Des cow-boys, Mon rouge aux joues, variations chromatiques sur le Petit Chaperon Rouge, et Feutrine, dernier volet de la trilogie Ma langue ! Elle termine en 2017 La gesticulation des vivants, le conte LA VIE DES BORD(e)S, La Disparition des Hippocampes, commande de la cie du Réfectoire pour le projet Si j’étais Grand et POUR TOM, commande de l’Académie de Seine et Marne pour Le Livre de l’Académie 2018. Elle porte à la scène au printemps 2022 CroiZades, premier volet du dyptique CroiZades. Elle a créé en 2008 l’association Perspective Nevski*, avec laquelle elle réalise un travail de plateau autour de son écriture : La Permanence des choses, essai sur l’inquiétude, en 2009 ; Je suis la sœur unique de mon chien et autres gâte ries... en 2010 ; Carne, partition pour voix, cordes et samples, en 2011 ; Neuf Petites Filles, une performance solo, en 2012 ; Ravie, en 2014 ; Des Cow-boys, 2015/2016, La VIE DES BORD(e)S, 2018, CHARABIA (Toad Movie), 2020, CROIZADES (Jusqu’autrognon), 2022, Peindre le Silence, 2023, CROIZADES (Jozef&Zelda), 2024…


Images du spectacle